Vent

Même l'été, le vent souffle sur la plaine et sur les étangs dans ce coin de Moselle. Il en a toujours été ainsi.
Un petit garçon joue au bord de l'eau.
Sa mère tient une canne à pêche. Elle porte un gilet de laine beige qu'elle a du tricoter elle-même, un pantalon fuseau noir classique dans les années soixante-et-un, soixante-deux. Ses cheveux sont disciplinés par un serre-tête en tissu élastique. L'eau est agitée. Le bouchon est ramené sans cesse vers la rive.
Le père du petit garçon pêche également. Il est à genoux. Contemple le flotteur balloté. La gaule en bambou maintenue par un porte-canne en ferraille. Il est vêtu d'un survêtement bleu pétrole. Ses cheveux coiffés en arrière flottent au vent.
La grand-mère paternelle est assise sur le siège arrière d'une Aronde grise.
Soudain, la pêcheuse soulève sa canne. Lutte contre le vent. Accroché à l'hameçon numéro dix-huit, un minuscule gardon s'agite.
Ils doivent rire de cette prise faramineuse.
Grand-mère prend une photo. Les parents sont à genoux. Maman tient le fil, bras tendu. La pêche est dérisoire.
Ils sourient. Le garçon est debout à côté d'eux. Il ne pose pas. Indifférent à la prise de vue.
Du poste à transistor s'échappe une chanson. "Michèle". The Beatles.
Le petit garçon regarde la photo jaunie. Plus de quarante étés sont passés depuis.
La chanson trotte toujours dans sa tête.
Il croit sentir encore le souffle du vent sur son visage.
Sa fille joue à ses pieds. Banlieue parisienne. La nuit tombe.
Le vent n'est plus le même.
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